Etude d'un cas de névralgie trijéminale

Thierry VERSON

t.verson@free.fr

Rappels

Le trijumeau est un nerf crânien mixte sensitif et moteur possédant en outre des branches neuro-végétatives. A la sortie du ganglion de Gasser, il se divise en 3 branches principales :

- le nerf ophtalmique innervant notamment le front, la dure-mère et la partie supérieure de la tête

- le nerf maxillaire supérieur innervant la tempe et la pommette (nerf temporo-malaire), la partie centrale du visage (nerf sous-orbitaire) et la dentition de la mâchoire supérieure

- le nerf maxillaire inférieur innervant le bas du visage et la dentition de la mâchoire inférieure. La branche motrice du trijumeau appartient exclusivement au maxillaire inférieur (muscle masseter)

Etude du cas

La patiente a été opérée d'un cavernum. Elle est atteinte d'un méningiome inactif. Après l'intervention elle a été mise sous couverture de ½ TEGRETOL 250 + un autre antalgique dont la patiente ne se rappelle pas le nom matin et soir.

Des douleurs (type coup de marteau) très importantes du trijumeau sont apparues 15 jours après l'opération, qui démarraient de la pommette droite et s'amplifiaient sur les parties droites du front et du visage. Les douleurs sont décrites comme intolérables et pouvaient être contrôlées par des doses quotidiennes de 6 DIANTALVIC + 3 TEGRETOL ; la patiente étant dans un état second toute la journée, la dose de DIANTALVIC a été remplacée par 4 EFFERALGAN 500. La patiente décrit un état plus conscient et une douleur (type brûlure) diffuse mais continuelle qui petit à petit augmente tous les jours et devient intolérable au point malaire.

La couverture pharmacologique est donc de :

- 1,5 TEGRETOL + 2 EFFERALGAN le matin

- 1,5 TEGRETOL + 2 EFFERALGAN le soir

La patiente dort très mal et ne s'endort que vers 1 h 00 du matin pour se réveiller vers 9 h 00 avec la même douleur persistante.

A l'interrogatoire, la patiente décrit des troubles datant de plus de 15 ans :

- tendance continuelle à larmoyer

- problèmes de bouche sèche

- douleurs dentaires explicables par des problèmes dentaires, mais on note une douleur de l'incisive supérieure droite sans explication dentaire possible

- tendance continuelle à serrer les dents

- maux de tête frontaux

- maux de tête aggravés par la moindre prise d'alcool (on connaît l'action vaso-constrictrice secondaire de l'alcool)

On peut donc penser que cette patiente souffre depuis toujours d'une hyper-excitabilité du trijumeau due au cavernum et majorée par le méningiome.

On peut s'interroger sur la 1ère crise de douleurs (type coups de marteau) qui est plutôt signe d'une compression du nerf et imaginer une souffrance suite à l'opération (?). Par contre, il semble que cette crise a installé une souffrance du nerf type brûlure diffuse qui est plutôt caractéristique d'une algie vasculaire. Le cavernum et le méningiome peuvent nous faire imaginer la compression d'un ou plusieurs rameaux nerveux ou artériels entraînant une souffrance trijéminale d'origine vasculaire (?).

En conséquence, on peut imaginer le protocole suivant :

- Inhibition sensitive vibratoire + Ionisation de chlorure de calcium (anodes) sur les zones douloureuses et sur les premières cervicales. Le but est d'obtenir une sédation nerveuse distale (Inhibition des fibres nociceptives) et proximale (Gate Control System) le courant se diffusant des racines cervicales vers les nerfs crâniens.

La cathode est surdimentionnée pour éliminer son effet excitant et positionnée en aval sur les masses lombaires et dorsales de manière à préserver la diminution du tonus postural général (anaélectrotonus).

- Stimulation enképhalinergique myo-relaxante simultanée visant à

- relâcher les tensions du myotome cervical, nées de la douleur (stress) et de l'hyper-excitabilité de la branche motrice du maxillaire inférieur, par l'effet myo-relaxant

- obtenir une filtration centrale des influx douloureux et une diminution du stress, rétablir le sommeil, par la libération des neuro-médiateurs enképhalinergiques

- provoquer une excitation de la balance sympathique destinée à favoriser un effet trophique, par la stimulation des ganglions sympathiques.

n Durée de la séance : 30 minutes.

- Séances de cardio-training avec effort final important de manière à majorer la réaction du système sympathique et enképhalinergique et dissiper les troubles engendrés par les antalgiques (gestes approximatifs, diminution de la mobilité, manque de confiance…)

Déroulement du traitement

1er Jour de traitement

n 1ère séance en début d'après-midi :

- Inhibition sensitive vibratoire (ISV) + ionisation de chlorure de calcium sur C1 à C3 et sur le trijumeau au niveau de la branche malaire droite, soit 2 anodes, la grande cathode étant en position lombo-dorsale.

- Stimulation enképhalinergique myo-relaxante en position paravertébrale cervicale haute simultanément au 1er programme d'ISV.

La position générale est une position de relaxation, assise, tête dans un coussin de visage.

Résultats: Diminution immédiate très nette de la douleur.

n 2ème séance en soirée : protocole identique, et sédation complète de la douleur.

Réduction de la prise à 1 TEGRETOL + 1 EFFERALGAN.

Sommeil dès 23 heures à peu près, nuit paisible.

2ème jour de traitement

Réveil vers 8 h 00, la patiente note une sédation complète de la branche droite, une douleur sourde résiduelle sur la branche malaire gauche.

Prise de ½ TEGRETOL + 1 EFFERALGAN.

n 3ème séance :

- ISV et stimulation enképhalinergique suivant le protocole précédent, en rajoutant une anode sur le point malaire gauche (ISV).

Résultats: sédation complète et attitude plus dynamique durant la journée.

A 15 h 00 reprise légère d'une douleur sourde au point malaire gauche.

 

 

 

 

 

 

 

n 4ème séance

- Pas d'électrothérapie

- Séance de marche sur tapis roulant assistée par ordinateur, de 20 minutes en 3 paliers à 50% 60% 70% de la réserve de fréquence cardiaque (RFC), un effort quasi maximal de 2 minutes et 10 minutes de retour au calme actif. La fréquence cardiaque de repos (FCR) est de 98.

La patiente a parfaitement suivi les indications fournies par le logiciel de contrôle et a atteint sa FC Max (158). Le retour au calme est normal.

La patiente ne relève aucune douleur en fin de séance et s'est lavée les cheveux à la douche sans douleur sur la cicatrice pour la 1ère fois.

Le soir prise de ½ TEGRETOL + 1 EFFERALGAN ; la patiente note toujours une sédation complète, et le besoin de dormir. Sommeil dès 21 h 30.

 

3ème jour de traitement

Au matin, douleurs frontales importantes décrites comme légèrement supérieures aux douleurs matinales habituelles d'avant le début du traitement en électrothérapie quand elle était sous couverture médicamenteuse maximale. Il n'y a pas de douleur malaire ni maxillaire.

Prise de 1 TEGRETOL + 1 EFFERALGAN.

n 5ème séance

Protocole habituel à 3 anodes. Les deux anodes trijéminales sont placées de manière à recouvrir la branche malaire et le trou sous orbitaire et inhiber ainsi ces deux rameaux du nerf maxillaire supérieur.

A la fin de la séance, la patiente baille et décrit toujours le même état, à savoir comme étant "sonnée" (stimulation enképhalinergique) mais d'avantage cette fois ci que les séances précédentes. Par contre après quelques minutes la patiente décrit une douleur frontale moins forte mais persistante.

Reprise immédiate du protocole ISV + Ionisation de Cl Ca sur les branches du nerf frontal interne et externe droites et gauches sans stimulation enképhalinergique, avec 2 anodes situées de part et d'autres de la ligne médiane. La patiente décrit le trajet du courant sur la partie gauche de la cicatrice et dans la fameuse incisive droite dont elle a toujours souffert. Par contre, elle ressent beaucoup moins le courant sur la partie droite du front.

A la fin des 30 minutes de programme, la douleur frontale persiste très légèrement et l'incisive droite est indolore.

Dans la soirée, la douleur frontale a disparu, mais la patiente note encore une très légère sensibilité de la pommette gauche.

Prise de 1 TEGRETOL + 1 EFFERALGAN, sommeil vers 23 h (après le film TV).

4ème jour de traitement

Au réveil, il n'y a plus de douleurs, juste une légère sensibilité de la pommette gauche, qu'on peut certainement attribuer à une prémolaire supérieure gauche cassée et non réparée. La patiente décide d'aller consulter un dentiste, car il apparaît indispensable d'éliminer toutes les causes possibles d'excitation du trijumeau.

Prise de 1 TEGRETOL + 1 EFFERALGAN.

n 6ème séance

Protocole identique ISV à 3 anodes + stimulation enképhalinergique.

Les deux anodes trijéminales sont placées transversalement à partir de l'arête du nez de manière à couvrir la voie sous-orbitale du maxillaire supérieur et la branche malaire. Le but est d'inhiber la souffrance de la prémolaire supérieure et de continuer à désensibiliser le nerf maxillaire supérieur qui semble être le plus excitable.

Les résultats de la séance sont conformes.

La patiente se plaignant d'une légère oppression thoracique, on remet la séance prévue de cardio-training à plus tard. Elle est effectuée dans la soirée. La Fc de repos est de 74, la tension de 15 / 8.4. L'exercice sur tapis roulant est effectué en 3 paliers à 55% 60% 75% de RFC, il dure 37 minutes (retour au calme compris) et se termine par un sprint.

Dès la fin de sa séance, la patiente est allée chez le dentiste qui a dévitalisé la prémolaire dont le canal nerveux était ouvert.

1 TEGRETOL + 1 EFFERALGAN, sommeil à 1 h 00 du matin.

5ème jour de traitement

Réveil à 8 h 00, avec un mal de tête d'intensité moyenne qui a duré jusqu'à midi.

1 TEGRETOL + 1 EFFERALGAN

Aucun traitement de physiothérapie ni exercice de cardio-training dans la journée

Le soir prise de 1 TEGRETOL + 1 EFFERALGAN. Aucune douleur. Sommeil vers

1 h 00

6ème jour de traitement

Réveil vers 8 h 00, sans aucune douleur particulière si ce n'est la démangeaison de la cicatrice.

Prise de ½ TEGRETOL + 1 EFFERALGAN

n 7ème séance

Séance de tapis de marche dans la matinée : FC de repos 72 et tension 15.1 / 8.4.

L'exercice de 45 minutes de durée totale est effectué en 3 paliers à 55% 65% 80% de RFC et se termine par un sprint de 1 minute et un retour au calme de 10 minutes.

On note une amélioration très nette de la condition physique de la patiente qui a largement augmenté sa vitesse de marche et a du courir à l'effort final pour élever son rythme cardiaque ; d'ailleurs sa consommation calorique est 50% plus élevée que celle de la précédente séance.

Au coucher la patiente ne fait pas état de douleur à la tête, mais relève des courbatures des jambes.

7ème et 8ème jour de traitement

RAS

 

9ème jour de traitement

Séance de 52 mn de cardio-training sur tapis de marche en suivant le dernier protocole. Tension 138/81, FCR 78.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RAS, la progression de la remise en forme est excellente. La patiente n'a toujours pas de douleur et prend ½ TEGRETOL + 1 EFFERALGAN matin et soir.

Du 10ème au 13ème jour de traitement

RAS. Les névralgies semblent être solutionnées.

3ème semaine

Les névralgies faciales ne sont pas revenues. Par contre la patiente a fait état de douleurs intra-crâniennes de type " démangeaisons " sur le trajet de la cicatrice.

Un 1er programme ISV + ionisation de ClCa sur les cheveux mouillés au préalable n’a eu aucun résultat. Deux autres séances à partir d’un programme ISV unidirectionnel sans galvanique appliqué sur le lobe des oreilles ont obtenu une sédation assez nette, sans être aussi spectaculaire que celle obtenue sur les névralgies trijéminales.

La stimulation par le lobe de l’oreille permet d’atteindre plusieurs nerfs : le trijumeau, le facial sensitif, le glosso-pharingien, le pneumo-gastrique et par deux rameaux rejoindre C2 C3 et le grand nerf occipital d’Arnold. On ne peut malheureusement pas se prononcer réellement sur la valeur de ce dernier traitement, la patiente rentrant chez elle.

Conclusion

Le traitement en électrothérapie semble avoir validé l’hypothèse de base d’un état continuel d’hyper-excitabilité du trijumeau due à une vascularisation insuffisante du fait d’une compression, l’intervention chirurgicale ayant créé les stimuli du déclenchement de la douleur. L’association d’une remise en forme a permis une stimulation du système sympathique nécessaire à l’augmentation de la vascularisation et une récupération rapide de l’autonomie et de la vigilance altérées par les sédatifs. Le sommeil et les gestes habituels de se laver les dents et les cheveux sont maintenant possibles sans douleur. Néanmoins, cette personne devra dorénavant éliminer et prévenir toute possible excitation du trijumeau qui relancerait une crise de névralgies, notamment, soigner parfaitement ses dents et éviter l’alcool au-delà d’un verre de bon vin rouge par repas, le blanc étant déconseillé car étant souvent souffré et pouvant déclencher des maux de tête. Le sport à raison de deux à trois séances hebdomadaires d’un exercice en aérobie serait une aide appréciable.

Revue deux mois après la fin du traitement, la patiente a décrit quelques épisodes anodins de début de névralgie disparus rapidement en augmentant la dose de médicaments.