Les nouvelles techniques d’électrothérapie après chirurgie du genou

JP Reynoird

L’évolution de la chirurgie du genou en rhumatologie comme en traumatologie et l’évolution des appareils d’électro-physiologie, ouvre de nouvelles voies à l ’application de techniques d’électrothérapie différentes de celles connues jusqu’à présent.

La mise en place de ces nouveaux protocoles exige du praticien une solide formation en physiologie et un matériel d’électrothérapie dernière génération.

Le genou opéré:

Nous retrouvons toujours à peu-près la même clinique:

- genou inflammatoire

- cicatrice plus ou moins importante

- douleur locale

- problèmes circulatoires du membre inférieur

- limitations articulaires

- sidération musculaire

- amyotrophie, d’autant plus importante que la pathologie est ancienne

La prise en charge avant l’intervention:

Il est souhaitable que le kinésithérapeute puisse intervenir avant l’intervention, pour renforcer le tonus musculaire, et par conséquence la trophicité.

On utilisera dans ce but des courants alternatifs de fréquence 60 Hz. La largeur d’impulsion sera adaptée à la physiologie du patient. C’est à dire qu’on situera la largeur d’impulsion de manière à recruter les fibres alpha et gamma sans solliciter les fibres sensitives nociceptives delta et C. Il faut noter que ces paramètres sont différents chez chaque patient. On obtiendra ainsi des contractions d’une puissance très importante sans douleur. Les contractions se feront en mode statique avec contraction volontaire associée du patient, sur des temporisations privilégiant le mode aérobique afin d’éviter une réaction inflammatoire du genou. On travaillera alternativement quadriceps et ischios, chaque groupe musculaire étant géré par un générateur de courant (ESP V2 bivoie). On travaillera aussi les jumeaux dont l’action sur le retour veineux est très importante.

 

La prise en charge après l’intervention (immobilisation):

La prise en charge précoce du patient, en sortie d’intervention demande d’agir avec prudence, mais permet d’éliminer rapidement les effets traumatiques de l’opération.

La priorité sera donnée aux traitements antalgiques, anti-inflammatoires et circulatoires.

En plus des technqiues de massage et de cryothérapie, le praticien utllisera des programmes réveil moteur et trophiques. Ces programmes gèreront des impulsions alternatives associées à un courant galvanique, ou des impulsions unidirectionnelles de très basses fréquences, produisant de faibles secousses musculaires.

On pourra aussi utiliser les programmes spécifiques de stimulation de la tunique veineuse, composés d’impulsions unidirectionnelles wobulées de fréquence 0.2 à 2 Hz. L’application se fait soit le long du trajet veineux soit cathode sous la voute plantaire, anode sur les ischios ou sur le quadriceps. On ionisera en même temps un tonique veineux (sur prescription). Il est intéressant d’associer à ce traitement des techniques de drainage lymphatique et veineux, relayées par un drainage pneumatique étagé avec un appareil permettant de choisir individuellement les compartiments en travail, leur ordre de gonflage et leur pression.

L’action antalgique sera obtenue par un programme d’inhibition sensitive vibratoire appliqué de part et d’autre de l’articulation et par un programme de stimulation enképhalinergique para-vertébral.

L’inhibition sensitive vibratoire est obtenue par des impulsions alternatives de fréquences wobulées 25 à 125 Hz de largeurs d’impulsions de 250 à 400 µs en fonction de la physiologie propre du patient, associées à un courant galvanique (sauf en cas de présence de matériel d’ostéo-synthèse). Ce programme permet une inhibition des fibres nociceptives, une stimulation des fibres antalgiques ab et une ionisation sur prescription d’un anti-inflammatoire (Profényd, percutalgine etc...)

La stimulation enképhalinergique est obtenue par des impulsions alternatives de fréquences wobulées entre 2 et 10 Hz sur des largeurs d’impulsions variant entre 100 et 600 µs suivant les patients, appliquées en para-vertébral ou sur les apophyses épineuses au moyen d’électrodes longues et étroites. Elle permet une libération des substances morphino-mimétiques par stimulation électrique de récepteurs spécialisés. L’effet maximum est obtenu plusieurs heures après le traitement. Il est pratique pour gagner du temps, d’utiliser ce programme sur un générateur de l’appareil pendant que le programme local se déroule sur l’autre générateur.

 

La prise en charge de la réadaptation (post-immobilisation):

Les objectifs seront le réveil musculaire, la récupération articulaire, le renforcement musculaire. La mobilisation, manuelle au début, se fara ensuite à l’aide d’une attelle motorisée (type KINETEC).

Le premier problème rencontré est souvent le bloc crural ou sidération du quadriceps (habituellement disparue en cas de traitement pré et post-intervention). Dans ce cas on utilisera des programmes réveil moteur composés d’impulsions alternatives en deux types de fréquences wobulées (5à 10 Hz pour le premier programme, 10 à 20 Hz pour le deuxième programme à appliquer dès que le muscle commence à répondre), sur de faibles largeurs d’impulsions. Il suffit souvent de deux ou trois séances pour lever la sidération.

La sidération levée, il est extrèmement profitable d’associer le travail attelle/stimulateur (KINETEC / ESP dans mon cas). Les deux générateurs de l’électro-stimulateur vont permettre de recruter les ischios pendant la flexion et le quadriceps pendant l’extension. Le patient associera des contractions volontaires aux sollicitations mécaniques et électriques.

 

L’autre problème souvent rencontré est le flexum résiduel du genou. Dans ce cas on utilisera le double réflexe myotatique (innervation croisée de Sherrington) en pratiquant un électro-étirement.

Sachant qu’un muscle étiré soumis à une stimulation électrique type stretching, voit ses fibres s’allonger et que la contraction de son antagoniste diminue son tonus, le praticien provoquera une stimlulation de fréquence 3 Hz à la largeur d’impulsion minima nécessaire pour obtenir des secousses musculaires nettes sans désagrément sur les muscles ischio-jambiers en posture d’étirement, pendant 30 secondes suivies de 60 secondes de repos. Dans le même temps il provoquera une tétanisation du quadriceps par un courant de fréquence 60 Hz à la largeur d’impulsion minima pour obtenir un raccourcissement sans désagrément du muscle avec montée progressive en 2 secondes, 1 seconde de maintien de la tétanie, 1 seconde de retour au repos et 3 secondes de repos. Il est possible de remplacer cette séquence par une stimulation à 3 Hz si on craint un réflexe contracturant du quadriceps. Le patient associera dans le même temps des contractions volontaires du quadriceps.

Il existe un autre protocole d’électro-étirement (applicable dès que la phase de travail actif est autorisée) plus délicat à mettre en oeuvre, car il peut être cause de contracture réflexe, mais terriblement efficace. Il s’agit d’associer une contraction concentrique du quadriceps comme ci-dessus à une stimulation excentrique des ischios. Le praticien utilisera dans ce cas un courant de 60 Hz avec la même largeur d’impulsion que le protocole précédent sur une montée progressive de 3 secondes, un temps de plateau de 25 secondes, une durée de retour de 2 secondes et un temps de repos de 60 secondes. Le praticien laissera préalablement les ischios se raccourcir et rammènera de force la jambe en extension dès que la tétanisation sera maximum soit un délai de 4 à 6 secondes. Le patient devra résister à l’extension jusqu’à ce qu’elle soit effective, puis reprendre le rythme des contractions du quadriceps réalisé par le second générateur. La difficulté de de protocole réside dans la largeur d’impulsion à appliquer aux ischios, pour ne pas recruter la boucle gamma qui serait source de contracture réflexe dans ce cas.

On appliquera le premier protocole pendant 30 minutes, le second pendant 15 minutes.

Jusqu’à la phase d’appui et de travail actif du genou, on continuera d’appliquer ces protocoles de traitement en faisant varier les paramètres au fur et à mesure de la récupération.

Dès lors on pourra appliquer les techniques d’électro-musculation sportive en reprenant le protocole précédent de stimulation tétanisante du quadriceps et en associant au fur et à mesure de la récupération une augmentation de la largeur d’impulsion et une augmentation des charges du siège ou de la machine à quadriceps.

Chez les sportifs, tous les muscles de la jambe devront ensuite être renforcés suivant les protocoles d’électro-musculation sportive; En effet, il est indispensable d’obtenir un renforcement musculaire coordonné et corticalisé afin de prévenir, lors de la reprise du sport, les accidents musculaires et afin d’améliorer la qualité du geste sportif.

Ces techniques seront toujours appliquées avec prudence et modération, pour aboutir à une reprise des activités avec un gain de temps considérable.

 

Conclusion

L’utilisation de l’électrothérapie dans sa nouvelle dimension, est un atout majeur après chirurgie du genou à condition de maitriser parfaitement tous les éléments qui permettent son application: physiologie musculaire et nerveuse, adaptation physiologique des paramètres des courants utilisés.