Les bases physiologiques de l'électrothérapie

Thierry VERSON / email: t.verson@free.fr

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L'électrothérapie représente depuis longtemps un outil de "thérapie occupationnelle" pour des praticiens non formés et n'ayant pas la connaissance de ses possibilités. En fait l'électrothérapie est un outil extraordinaire au service de celui qui en domine les lois et la physiologie. Nous allons donc en passer en revue les principaux éléments et appréhender comment ils nous permettent de constituer un programme d'électrothérapie. Nous verrons ainsi pourquoi l'électrothérapie ne peut être enfermée dans des programmes "prêts à l'emploi"; il est facile de comprendre que la simple variation de la résistivité de la peau, différente selon les individus et selon les conditions extérieures (climat saison, hygrométrie…) rend caduque la prétention de standardiser des programmes pour un effet donné. L'électrothérapie implique un travail d'analyse et de réflexion de la part du praticien pour en obtenir des effets réellement spectaculaires.

Stratégie thérapeutique

La plupart des pathologies nécessitent un traitement sensitif (antalgique), et un traitement moteur (renforcement et/ou étirement). Il faut donc prioritairement se demander ce que doit apporter l'électrothérapie dans une stratégie globale, pourquoi et comment l'employer. En général, le rôle de l'électrothérapie sera de diminuer la douleur, la spasticité éventuelle, permettre un renforcement musculaire ou/et un étirement puissant et rapide, lever les contractures... Ainsi le praticien, pourra plus facilement et plus rapidement mobiliser, enchaîner un travail actif, reprogrammer la fonction défaillante. Nous verrons plus loin des applications précises de l'électrothérapie.

Exemples de stratégie

Lombo-sciatique:

Ce schéma n'est pas exhaustif et dépend pour beaucoup du bilan réalisé et de l'approche du praticien. Il représente néanmoins un exemple de plan dans lequel le praticien choisit l'importance qu'il donne à l'électrothérapie et les effets qu'il veut en obtenir. Dans ce cas on pourrait attribuer à l'électrothérapie le travail de myo-relaxation, de détente psychique, de renforcement musculaire et d'électro-étirement des ischios-jambiers. Il apparaît dans ce plan que l'électrothérapie est un outil et qu'elle doit être associée à toute autre technique que le praticien domine, pharmacologie, mobilisations, réflexothérapie, ostéopathie, travail en chaînes musculaires, techniques de Mezières, de Sohier etc…Il apparaît difficile de soutenir la thèse de l'efficacité parfaite d'une seule technique contre l'association de plusieurs techniques parfaitement maitrisées; il est plus probable que l'idéal pour le patient serait d'être pris en charge par une équipe pluri-disciplinaire où chaque praticien est spécialisé dans son domaine.

Entorse du LLE de la cheville

 Dans ce cas on peut attribuer à l'électrothérapie le rôle antalgique, la stimulation des péroniers, l'action anti-œdémateuse. Encore une fois ce schéma n'a pas la prétention d'être exhaustif et n'est qu'un exemple modifiable en fonction du bilan et de l'approche du praticien.

Hémiplégie

 Dans le cas de l'hémiplégie, si l'électrothérapie est un outil de premier plan, la limite sera malheureusement trop souvent le temps à consacrer au patient qui ne permettra pas un réel travail de reprogrammation.

 

 L'antalgie

Le traitement local de la douleur par inhibition des signaux nociceptifs

 On connaît l'action antalgique des cations (+) et celle produite par l'hyperpolarisation (diminution de la conduction nerveuse des fibres nociceptives) obtenue sous l'anode par un courant polarisé. On connaît également l'action anti-œdémateuse de l'anode.

 

 

 

 

 

 

 

 Courant impulsionnel unidirectionnel

On utilisera donc un courant polarisé (courant galvanique ou courant impulsionnel polarisé) associé à un produit ionisable antalgique sur l'anode (électrode +) qu'on positionnera sur la douleur ou l'œdème. Du fait de la ionisation, le temps minimum de traitement sera de 30 mn.

De Bishopp et Dumoulin ayant mis en évidence la diminution du tonus postural (anaélectro-tonus) obtenu par un courant polarisé dont l'anode est placée en amont sur le schéma nerveux périphérique, on positionnera l'anode sur la douleur et la cathode en aval (par exemple dans le traitement de l'entorse du LLE de la cheville, on placera l'anode sur le LLE et la cathode sous la voûte plantaire ou en position lombo-sacrée).

La cathode sera surdimentionnée pour diminuer son effet excitant. L'action anti-inflammatoire des anions sera assurée par la voie sanguine.

 Un courant polarisé produisant des substances chimiques ( acides à l'anode et bases à la cathode), on prendra la précaution d'utiliser des éponges pour absorber ces résidus.

 

Traitement par inhibition sensitive vibratoire (ISV) et ionisation de l'entorse du LLE

 

 

 

Travail de récupération de l'amplitude articulaire sous un courant inhibiteur

 

 

    

L'antalgie locale par excitation des fibres augmentant la filtration des signaux nociceptifs

On connaît également grâce notamment à Melzack et Wall, le principe de la théorie du portillon ou Gate Control System. Par la stimulation locale des fibres antalgiques ab (réparties sur toute la surface du corps), on obtient une augmentation de la filtration des influx nociceptifs au niveau de la corne postérieure de la moelle épinière.

La question se pose donc des paramètres à utiliser pour obtenir cet effet qui se caractérise par une sensation de vibration. Les chercheurs ont déterminé une gamme entre 15 Hz (impulsions) et 150 Hz pour recruter les fibres ab . Il suffit ensuite d'un peu d'expérience pour obtenir cette vibration par une balance entre la largeur d'impulsion et l'intensité. Le schéma des courbes de Howson est un exemple: l'ordre de recrutement des fibres est identique chez tous les sujets, mais les valeurs de largeur d'impulsion et d'intensité sont strictement individuelles et dépendent pour beaucoup de la puissance délivrée par l'appareil.

 

Physiologie des différentes fibres sensitives

 

 

 

 

Les courbes de Howson

 

 

 

 

 

 

 

On superposera donc au 1er courant galvanique, un courant alternatif avec une intensité et une largeur d'impulsion moyennes à une fréquence entre 25 Hz (moins désagréable que 15 Hz) et 150 Hz. Les temps de travail seront longs et les temps de repos courts de manière à ce que perdure cette vibration.

Courant alternatif (bidirectionnel)

Nota: Un effet antalgique peut aussi être obtenu par application d'une ISV sur la zone contro-latérale, ou par stimulation de points de réflexothérapie.

 

  Le traitement rachidien de la douleur par stimulation des neuromédiateurs et des mécanismes supra-segmentaires

On connaît aussi un autre mécanisme antalgique: la production de neuro-médiateurs, obtenue par stimulation paravertébrale. Ces neuro-médiateurs (enképhalines, endorphines, opioïdes…) se fixent sur des récepteurs spécialisés dans le cerveau et affaiblissent la perception douloureuse. De plus ces substances produisent un effet de relaxation générale, souvent souhaité dans le traitement des pathologies. Les recherches ont mis en évidence la production de ces substances par l'application d'un courant de fréquence entre 1 et 10 Hz et d'intensité "à sensation" sur différentes zones dont la plus pratique d'application est le rachis.

Nota: Les mécanismes obtenus à partir de la stimulation rachidienne ne sont pas tous clairement expliqués, du fait de la difficulté à déterminer quelles sont les fibres réellement stimulées et dans quel schéma elles s'inscrivent.

En conséquence, on appliquera un courant alternatif de fréquence entre 1 et 10 Hz, à sensation, sur des électrodes longues situées en paravertébral.

Il est connu que l'effet moteur décontracturant (contracté-relâché) est obtenu autour d'une fréquence principale de 3 Hz avec une intensité réglée "à secousse musculaire".

Donc si on veut profiter de ce montage pour ajouter un effet moteur décontracturant et relaxant sur les muscles paravertébraux et sur le myotome, on choisira une gamme de fréquence plus basse entre 1 et 5 Hz qui permet de coupler les deux effets. De manière à éliminer le recrutement des fibres sensitives (voir les courbes de Howson), on utilisera l'intensité maximum et on réglera progressivement la largeur d'impulsion jusqu'à obtenir les secousses musculaires souhaitées. Pour un meilleur agrément les temps de repos seront très courts; le temps de la séance tiendra entre 30 et 45 mn.

Stimulation enképhalinergique cérébrale sur un patient en position de relaxation

L'application simultanée du programme ISV local et du programme rachidien de traitement de la douleur permet une potentialisation des effets antalgiques de loin supérieure à l'application consécutive des deux programmes.

 

 

Traitement actif d'une lombalgie par un 1er programme d'inhibition sensitive vibratoire + ionisation et un 2ème programme de stimulation enképhalinergique et décontracturant pour étirer les muscles paravertébraux.

 

 

Traitement d'une tendinite: 1er programme ISV + ionisation avec anode sur la douleur et cathode dorsale . 2ème programme: stimulation enképhalinergique cervicale

 

 

 

 

Traitement d'une main hyperalgique. 1er programme ISV + ionisation avec anode dans la main et cathodes sous les pieds. 2ème programme: stimulation enképhalinergique

 

 

 

 

Les effets moteurs de l'électrothérapie

Technique de la stimulation motrice à haut voltage

En se reportant au schéma représentant les courbes de Howson, on s'aperçoit que le meilleur moyen de recruter le motoneurone a en évitant le recrutement des fibres sensitives nociceptives est de travailler à intensité maximum en augmentant progressivement la largeur d'impulsion jusqu'à obtention de l'effet moteur recherché.

Les différences physiologiques entre chaque individu, les différences des paramètres externes de chaque séance (température, hygrométrie, état des électrodes) et les variations physiologiques individuelles (résistivité notamment) rendent illusoires, inadaptés et donc d'une efficacité aléatoire des programmes automatiques où les paramètres sont déjà prétendument réglés.

 

 

Les effets myo-relaxants

Le traitement des contractures est basé sur quatre programmes physiologiques principaux:

- le contracter-relâcher:

par un courant alternatif de fréquence 3 Hz (principale fréquence myo-relaxante), intensité au maximum et largeur d'impulsion réglée "à secousses musculaires", muscle alternativement en position de repos et en position d'étirement, pendant 15 minutes.

 

 

 

 

 

 

 

 

- la stimulation de l'inhibition réciproque (Sherrington):

par un courant alternatif de renforcement musculaire à 60 Hz (fréquence où sont recrutées pratiquement tous les types de fibres motrices) sur le muscle antagoniste du muscle contracturé pendant 10 minutes avec 1 à 2 secondes de stimulation importante associée à une contraction volontaire et un temps de repos de 3 à 5 secondes.

Le principe de Sherrington démontre que la stimulation d'un muscle inhibe son antagoniste et vice-versa.

Nota: Il est important de veiller à ne pas fatiguer l'antagoniste stimulé au point de provoquer une contracture.

 

Traitement d'une contracture d'un adducteur. 1er programme 3 Hz sur l'adducteur. 2ème programme de stimulation 60 Hz sur le moyen fessier. Association d'un léger étirement manuel et progressif de la part du patient.

 

 

 

 - le programme d'électro-stretching:

basé sur le contracter-relâcher du muscle contracturé en position étirée. Ainsi les insertions musculaires ne pouvant se rapprocher, la contraction des fibres permet en fait leur relâchement au repos. Cet effet s'obtient par un courant alternatif de 3 Hz sur le corps musculaire pendant 30 s suivi d'un repos de 30 à 60 s, la largeur d'impulsion étant établie "à secousses musculaires" suivant le principe de la stimulation à haut voltage définie plus haut.

Ce type d'étirement par electrothérapie possède l'énorme avantage d'éliminer tout risque de contracture réflexe ou d'élongation.

Electro-stretching du droit antérieur

 

 

 

 

- la stimulation du réflexe myotatique inversé:

obtenue par application d'un programme de renforcement musculaire dynamique (60 Hz) avec contraction volontaire associée du muscle contracturé pendant que dans le même temps le praticien l'étire progressivement. Le réflexe myotatique inversé est le principe suivant lequel un muscle qui ne peut s'opposer à son étirement se relâche complètement pour ne pas se rompre.

Stimulation excentrique sur une tendinite du long biceps pour obtenir une myo-relaxation totale du muscle.

 

 

 

 

  

Association des programmes sensitifs et moteurs

Une autre possibilité très intéressante de l'électrothérapie dans le traitement des contractures est d'associer les deux types de programmes sensitifs et moteurs. On applique sur la contracture un programme d'inhibition sensitive vibratoire (traitement local de la douleur) et sur le corps musculaire, si possible de part et d'autre de la contracture, on applique un programme myo-relaxant de fréquence 3 Hz.

Traitement d'une contracture d'un ischio-jambier par un 1er programme ISV sur le muscle contracturé et un 2ème programme myo-relaxant 3 Hz de part et d'autre de la contracture.

 

 

 

 

Le renforcement musculaire

Choix de la fréquence

On connaît les fréquences de recrutement des différentes fibres motrices, puisque la fréquence de tétanisation adéquate dépend du cycle de contraction + décontraction de la fibre, soit 20 à 30 Hz pour les fibres lentes, 30 à 50 Hz pour les fibres intermédiaires et de 50 à 100 Hz pour les fibres rapides. L'erreur classique consiste à croire qu'on peut isoler les fibres rapides en travaillant avec une fréquence de 100 Hz. En fait en générant 100 impulsions on génère les 20 nécessaires à la stimulation des fibres lentes. A 100 Hz on sollicite donc tous les types de fibres. Le recrutement isolé des fibres rapides dépend donc des temps de repos appliqués. Des temps de repos de l'ordre de la demi-seconde privent les fibres lentes d'oxygène et permettent d'isoler les fibres rapides dont le métabolisme est anaérobique (sans oxygène).

En règle générale, il n'appartient pas au kinésithérapeute de changer la répartition des types de fibres, et le plus souvent on travaillera l'ensemble du potentiel musculaire à une fréquence entre 60 et 100 Hz.

Mode de stimulation

Il a été décrit plus haut la technique se stimulation par le plus haut voltage (intensité) disponible, pour éliminer le recrutement des fibres sensitives et notamment des fibres nociceptives en augmentant progressivement la largeur d'impulsion.

On distingue trois programmes principaux de renforcement musculaire:

- le programme de réveil moteur:

permet par des salves d'impulsions à fréquences basses et progressivement croissantes de 1 à 20 Hz de redonner à des fibres sidérées leur autonomie de contraction.

- le programme de renforcement musculaire isométrique ou gymnastique passive:

est surtout destiné à lutter contre l'amyotrophie de muscles de membres immobilisés. Il a pour désavantage d'augmenter la force exclusivement sur le degré articulaire de travail.

 

 

 

- le programme de renforcement musculaire dynamique:

doit être associé à une contraction volontaire du patient. Afin de recruter le maximum de fibres motrices en évitant de solliciter les fibres sensitives, il faut appliquer une résistance correspondant à la force développée.

Utilisation d'une sangle élastique type thera-band dans le renforcement musculaire des quadriceps

 

 

 

 

 

Le recrutement progressif des fibres de manière indolore s'obtient en montant progressivement la largeur d'impulsion, intensité au maximum, tout en augmentant parallèlement la résistance appliquée.

Les techniques d'électro-musculation sont basées sur la stimulation du fuseau neuro-musculaire qui permet un recutement maximal réflexe des fibres motrices a .

Succintement, le fuseau neuro-musculaire est sollicité lors de l'étirement du muscle; il réagit à cet étirement par une excitation de la fibre sensitive 1a qui communique au niveau rachidien avec le motoneurone a , générant ainsi la stimulation de nouvelles unités motrices destinées à contrer l'étirement. L'électrothérapie de haut voltage permet de recruter la fibre Ia et d'augmenter sans étirement le nombre d'unités motrices excitées et la fréquence de décharge des motoneurones.

Cette procédure permet de développer dès la première séance un meilleur recrutement lors de la contraction; elle permet également de développer une force double de la force volontaire maximale chez un individu moyen, et un gain de force de près de 10% sur trois séances par amélioration du recrutement des unités motrices.

Les mécanismes hypertrophiques sont mis en jeu ultérieurement.

 

 

 

 

 

 Exemples divers

 

 

 

 Electro-étirement du psoas

 

 

 

Traitement contre la spasticité

 

 

 

 

 

manipulation sous électrothérapie ( ISV)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

traitement d'une pubalgie par un 1er programme de renforcement abdominal et un 2ème programme d'électro-stretching des adducteurs

 

 

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 reprogrammation motrice globale et segmentaire chez un sujet hémiplégique

 

 

Récupération de l'amplitude articulaire 

 

 

 

 

 

 

Pédiatrie

 

 

 

 

 

Utilisation en lymphologie

 

 

 

 

 

 

 

 

Utilisation des techniques d'inhibition du tonus musculaire avec une suspension

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Electro-stretching des jumeaux

 

 

 

 

 

 

 

 Algoneuro-dystrophie réflexe

 

 

 

 

 

 

 

 

 Application de l'électrothérapie pour lutter contre les rétractions musculaires et tendineuses chez un patient comateux en phase de réveil

 

 

 

 

 

 

Electro-musculation

 

 

 

 

Application des nouvelles techniques d'électrothérapie en esthétique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce court exposé ne peut représenter toutes les possibilités de l'électrothérapie, mais doit aider à comprendre les principaux mécanismes de l'électrothérapie et à appréhender tout le bénéfice que peut en tirer un praticien soucieux du meilleur

Pour obtenir le CD ROM de formation comprenant les exemples thérapeutiques commentés, contacter l'auteur par mail: t.verson@infonie.fr